21 juin 2010

Le lycée.


J’ai enfin été appelée par mon employeur. J’ai atterri dans un lycée. Ce fut stressant mais drôle. J’ai eu des terminales, des STG et une seconde déjantée mais dans l’ensemble je m’en suis bien sortie. Il faut dire que je me suis vite retrouvée à ne rien faire : ils sont allés réviser, ces petits de terminale tous stressés et les autres sont allés à la plage une fois leurs conseils de classe terminés. Pas moyen de les retenir, même avec un film! Les traditions se perdent, croyez-moi! Oui, oui! Finis les Eastpaks. Dorénavant c'est petite besace en cuir pour ces messieurs et Longchamp pour ces demoiselles. J'ai rangé le mien!


Revenons-en aux conseils de classe ! Ils ont le don de me transformer en potiche. C’est une torture. Le TZR arrive comme un cheveu sur la soupe et on lui demande de participer à cet événement important (surtout en fin d’année, surtout au lycée) et d’aider ses collègues (dont il ne connaît à peine les prénoms et les matières) à statuer sur le cas d’untel ou d’untel et à décider de leur avenir. C’est terrible : je m’endors, puis je me réveille en sursaut lorsque le proviseur écorche mon nom et prétend me demander mon avis sur un élève dont le nom ne me dit rien. « (C’est qui lui là déjà ?) Très bon niveau et excellente participation à l’oral ! (Mince pourquoi les délégués sont là ?!!!! » Ils savent que je dis n’importe quoi !)». Ils sont drôles dans l’Education Nationale !

Mais le lycée a aussi ses bons côtés. Et ils sont en totale contradiction avec le post précédent.

Bon, d'accord,  il y a des profs qui me regardent de travers quand je fais des photocopies. Ils doivent être un peu pingres, ici. Heureusement, dans mon lycée, il y a une cafète pour se consoler un peu. Le proprio m’a tout de suite tutoyée. « Finalement, sympa l’ambiance ici, on se tutoie d’entrée de jeu ! J’aime ! ». Sa fille me tutoie : « Tu veux une paille ? » - « Elle n’est pas gênée, celle-ci ! ». Son fils me reluque. « Ah ! Ils sont spéciaux dans la famille ! ».

Dans mon lycée, il y a un CDI (oui, oui ! un CDI !). Il y a une entrée pour les profs. Un collègue me l’indique. Je m’y engouffre et descends les marches avec le même aplomb qu’une star de festival. Je me dirige vers le bureau de ma collègue documentaliste et arbore mon plus beau sourire.

« - Bonj…

- T’es entrée comment ?

- Par en haut… (aaahhh… ils ont vraiment le tutoiement facile par ici…)

- Et alors ?!

- Bbben…

- C’est un professeur qui t’a ouvert !?

- Euh…» Je me penche vers elle, histoire de ménager le suspense, un rictus se dessine sur mes lèvres et je lui chuchotte avec délectation: « Je suis professeur ».

Je vous épargne et lui épargne la longue séance d’excuses et d’auto-flagellation à laquelle elle s’est livrée.

Dans mon lycée, il y a un secrétariat (sans déc !). Et la secrétaire a la vingtaine. Je frappe à la porte, j’entre et je me lance :

« - Bonjour ! (je sais, je suis très polie comme fille). Je viens pour récupérer la liste de textes pour le bac L.

- Ah… et pourquoi ? C’est un document officiel, je n’ai pas le droit de le donner à n’importe qui!

- Mais j’en ai besoin pour la remplir…

- Pas question ! Qui t’envoie ?

- Un collègue.»
Et là on sent une pointe de déconcertement qui se mue rapidement en condescendance : elle se dit que les jeunes ne savent décidément plus parler le Français ! ‘Un collègue ? Un camarade, voyons !’. Elle s’apprête à bondir…

Heureusement pour elle, sa COLLEGUE vole à son secours :

« C’est un nouveau professeur, Audrey ! Vous êtes la remplaçante de Mme S., n’est-ce pas ?! Veuillez l’excuser ! »

Et là, la fille devient pâle et entre nous, elle a l’air con !

Ah.

Donc Thierry de la cafète et sa progéniture m’avaient aussi prise pour une élève ! Et ces regards réprobateurs à la photocop, c’était parce qu’on m’avait prise pour une élève effrontée qui osait se servir du matériel réservé à l’administration. Une collègue est d’ailleurs venue s’en excuser le lendemain.

Bref, j’aime le lycée. On peut faire des blagues à ses collègues et au personnel. On passe pour une pauvre jeune qui va se faire bouffer par les élèves.

Je pourrais vous parler du sentiment d’être valorisée et de faire son travail… enfin. De la possibilité d’échanger avec ses élèves et de pousser la réflexion. Des cours passés assise derrière un bureau (sauf pour la seconde). Des fins de journée sans courbatures, ni insultes, ni bleus à l’âme. Mais ça ne serait pas drôle, n’est-ce pas ?

Les cours sont finis. Demain, c’est surveillance du bac ! La suite au prochain épisode…